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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 10:46

Audierne.Cap-Sizun.19 mars 1962.Accords d'Evian.Mémoire vivante

 

 

 

 

 

Audierne. Cap-Sizun.

19 mars 1962. Accords d'Evian

 

Mémoire vivante

 

 

 

 

 

 

 

Ci -dessus : souvenirs de famille.Guerre de 14-18. Hôpital d'Autun Saône et Loire. 21 mars 1916

 

Les souvenirs ont-ils une âme ??

 

******

 

Références:

 

Source: informations privées et personnelles

 

Objet: Projet de loi déposé par le député de la Première circonscription de la Loire, Monsieur Régis Juanico, pour faire reconnaître la date du 19 mars 1962 comme journée nationale du souvenir

 

Cette proposition de loi est

 

« relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et du Maroc »

 

Préambule. Motivation du blog konchennou:

 

La date du 19 mars 1962 est régulièrement et tous les ans honorée en France comme en Cap-Sizun par une association des Anciens combattants d'Afrique du Nord: la FNACA. Ayant participé aux évènements d'Algérie durant quasiment 7 années et ayant été présent sur le territoire concerné avant et après cette date du 19 mars 1962, j'ai pu constater en spectateur voire même être acteur au cours de certains évènements qui s'y sont déroulés. Je considère donc pouvoir et peut-être même

devoir

 

Témoigner, sans esprit de revanche, sans ambitions personnelles, en toute objectivité et sans acrimonie.

J'écris de mémoire, sans consultation de notes . Tout est dans la tête, en toute sérénité, sans obsession ni esprit de revanche .

 

Si d'aventure quelqu'un souhaitait apporter la contradiction et plus encore mettre en doute la réalité de ce que j'écris, j'affirme sur l'honneur que je ne dis que la vérité. Ce n'est pas ma vérité, c'est la relation aussi fidèle que possible d'évènements vécus, en vraie grandeur sur le terrain. Je suis officier en retraite et lorsqu'un officier donne sa parole il sait que si la preuve du contraire de ce qu'il dit ou écrit était apportée il serait couvert de honte et confronté au déshonneur. J'assume !!

 

A 82 ans je n'attends plus le jugement des hommes mais le jugement dernier.

 

*******

J'ai déjà écrit dans un texte précédent le drame de conscience que j'avais vécu avec mes harkis. On peut le relire éventuellement :

 

Lien:

Audierne.Esquibien.Cap-Sizun.Accords d'Evian.Qui s'en souvient ??

 

J'ai dit que à cette date précise je me trouvais en métropole bénéficiant d'une permission . A l'issue de cette permission j'ai rejoint mon unité que mes adjoints avaient fait déplacer sur ordre. Par respect d'un dernier devoir de réserve, et peut-être aussi par prudence (excès de ) , je ne citerai pas les noms de lieux de manière précise pas plus que les numéros d'unités.

J'ajoute que la hiérarchie de la période opérationnelle active avait été remplacée à cette époque par une autre génération que j'ai baptisée celle de "Des Bureaux" dans un livre publié en 2000.

 

*****

Les faits

 

Donc j'ai reçu l'ordre, postérieurement au 19 mars 1962, de reprendre et de m'installer temporairement dans le poste précédemment tenu par ma compagnie. Il était occupé par une unité de combattants appartenant à nos adversaires qui ne respectaient pas les acccords d'Evian puisqu'ils étaient sortis des zones qui leur étaient attribuées. Dans le cas précis, selon les accords, ils n'avaient pas le droit d'être là

 

Mon unité, se déplaçant au pas cadencé, arme à la bretelle, a réoccupé le poste sans tirer un seul coup de feu. Les occupants sont partis au pas de course également sans tirer. Ils stationnaient à environ 200 mètres de nous sans agressivité.

 

Je précise que tous ces évènements étaient vécus par les soldats appelés du contingent avec lesquels certains "Des Bureaux" faisaient "joujou".

Mon poste était donc investi et occupé jusqu'à notre arrivée. Un local privé (ex chapelle), datant de la construction du poste était transformé en toilettes pour ne pas employer un autre mot plus courant et vulgaire. Heureusement mes adjoints avaient démonté la pierre d'autel et récupéré le parchemin scellé avant de partir .

 

Et ce n'est pas tout.

 

J'ai reçu par radio l'ordre de faire des prisonniers pour pouvoir témoigner en haut lieu de la situation de non respect des accords d'Evian. J'ai donc donné mes ordres :

 

Disposition de combat, interdiction d'approvisionner et tirer sans mon ordre personnel

 

Pendant la progression un de mes chefs de section, officier de réserve et séminariste de son état a paniqué et a hurlé:

 

Ils vont tirer !!

 

Grossièrement , une fois n'est pas coutume, je lui ai répondu:

 

"Ta gueule ! La ferme !! Ils n'ont pas le droit."

 

Nos objectifs ont pris la fuite au pas de course. Sprint des soldats du contingent en pleine forme physique. Nous avons réussi à encercler un groupe de 2 combattants retardataires. Prisonniers, ils ont refusé de remettre leurs armes. J'ai demandé par radio une intervention de gendarmerie tout en maintenant l'encerclement. Même refus de remettre les armes. Ils ont cependant accepté d'embarquer dans le véhicule de gendarmerie à condition de garder leurs armes. PV dressé à la brigade de gendarmerie de ..... et libération accordée avec leurs armes. "Des Bureaux" était content. Pas moi car cela aurait pu être un carnage. En effet, nous avons procédé à un exercice hyper dangereux qui aurait pu se traduire par des pertes énormes et inutiles si la discipline de feu n'avait pas été respectée. Imaginez une fusillade à bout portant. Combien, de victimes ?? Heureusement personne n'a tiré. Je crois pouvoir dire que celui qui a ordonné cette opération ignoble, stupide et inutile aurait été plus à sa place dans un patronage comme moniteur de colonie de vacances chargé d'organiser un grand jeu, que dans les Aurès après le 19 mars 1962 . Mon métier étant d'obéir, j'ai obéi. Pour un grand jeu irresponsable.

 

Renouvellement de ce type d'opération dès le lendemain en direction d'une célèbre Guelaa (grenier à grains). Un arc de triomphe attendait à l'entrée du village l'arrivée des vainqueurs. J'ai demandé l'autorisation de destruction? Refusée par "Des Bureaux". Les vainqueurs stationnaient tout près. Parmi eux, un déserteur FSNA de ma compagnie avec son PM MAT 49. Tout souriant !! Mon convoi est entré dans le village en inaugurant l'arc de triomphe. Puis , ordre de retour. Encore un coup pour rien puisqu'une photo aérienne prise sans risques aurait suffit pour matérialiser et officialiser la présence abusive .

 

Stage en France au camp du Valdahon pour moi. J'y retrouve des amis. Nous nous préparons pour..... le mur de Berlin face à l'est alors que c'est au sud que les choses se passent. Nous sommes tous à cran !!

La radio nous annonce que 2 légionnaires viennent d'être fusillés. Bruit de verres cassés au bar du camp. Les officiers anciens de la légion se sont mis au garde à vous en silence , tous très pâles.

 

Durant mon absence ma compagnie quitte les Aurès sans que je le sache. Nouvelle mission à Alger.

Fin de stage. Je rejoins mon bataillon que je croyais toujours dans les Aurès et je me rendais à Batna. Dans l'avion France-Alger un officier supérieur rejoignant Alger me fait savoir que mon unité s'y trouve aussi et me propose de le suivre dans le véhicule qui l'attend à Alger-Maison Blanche. Je suis et me présente à "Des Bureaux" qui ne m'avait même pas informé de la situation nouvelle . C'était à El Biar, cité universitaire

 

Imaginez la suite...à Batna et dans les Aurès.... seul...!!! Je ne témoignerais sans doute pas aujourd'hui

 

Nouvelle mission à Alger: gardiennage de locaux sensibles: villa Sezini, Villa Pouillon et centre Lung d'action sociale. Mission accomplie avec plusieurs incidents!

 

1- Villa Sezini point sensible. Pas d'abri pour les sentinelles régulièrement caillassées. Confection de lance-pierres comme dans mon enfance et tir à volonté sur mon ordre depuis le toit en terrasse de la villa. Parallèlement lâcher de chiens bergers allemands d'un peloton cynophyle reçu en renfort, chiens muselés. Avertissement oral par gygaphone: Demain les chiens seront sans muselière. Bilan quelques blessés légérs et un oeil en berne. On nous fout alors la paix . Nous remettons en état la villa pour laquelle je garde mes souvenirs sans les diffuser

 

2- Centre Lung Comprend une piscine, une école d'infirmières, une école d'horlogerie sur plusieurs hectares. La mission de gardiennage est confiée à une section de la compagnie aux ordres d'un officier d'active. Un matin, à l'aube 2 ATO (Auxiliaire temporel occasionnel) armés de PM Mat 49 percent la clôture longue de plusieurs centaines de mètres et pénètrent dans le centre au nez et à la barbe des sentinelles . Mon chef de section me rend compte. Je rends compte à mon bataillon et rejoint le centre pour entendre les ATO me dire que les lieux n'étant pas gardés il en prennent la charge . Le commandant adjoint du bataillon arrive sur place puisque "Des Bureaux " est en permission. Il ordonne énergiquement aux ATO de se retirer. En réponse on lui braque les 2 Pistolets mitrailleurs armés sur le ventre. (culasses en arrière, volet ouverts donc armes prêtes à tirer. Il suffit d'appuyer et... Pour les connaisseurs).

Entre temps j'avais fait venir un groupe de combat armé jusqu'aux dents. Le commandant en second me donne des ordres à voix forte sans émotion apparente. Je lui réponds qu'il ne commande pas dans ces conditions et que c'est moi qui décide.

 

Alignement de mon groupe de combat. Inspection des armes .

 

Mes ordres: culasses ouvertes, interdiction d'approvisionner sauf mon ordre personnel.

 

Seul un sous-officier ancien est dispensé de la neutralisation de son arme et reste en garde, prêt à intervenir. Mon commandant s'agite et moi je négocie en proposant de baisser les armes toujours braquées. J'obtiens petit à petit gain de cause et les armes se rangent. Les ATO quittent les lieux.

Durée de l'opération:

plusieurs heures de tension nerveuse. On ne les reverra pas.

 

Plus tard, beaucoup plus tard mon commandant en second a embrassé mon épouse en lui disant que ....C'est confidentiel. Quelques larmes partagées. On ne décrit pas les émotions qui appartiennent au domaine personnel.

 

Je n'ai pas dit que j'étais sans arme apparente mais que j'avais en réserve dans ma poche droite comme d'habitude mon petit pistolet 6,35, acheté en France avec la complaisance des gendarmes au cours d'une permission, détenu légalement et invisible de par sa taille. Un jouet de cinéma fait pour rater une vache dans un couloir . Il m'accompagnait toujours lorsque nous avions l'ordre de nous montrer sans arme pour la frime et la parade. Il est revenu en France , discrètement et sans munitions pour franchir la douane des vainqueurs et je l'ai gardé jusqu'à ce que mon autorisation de détention soit victime d'un fonctionnaire naphtaliné qui m'en a refusé le renouvellement . Refus pour refus j'ai refusé de le rendre mais j'ai dû le faire mutiler à la manufacture d'armes de Saint Etienne où son canon a été soudé. Il ne fonctionnera plus jamais mais il ne parlera plus non plus car s'il n'a pas servi ce jour-là, ses états de service appartiennent à ma mémoire. Il a peut-être servi ailleurs, participant aux souvenirs du 19 mars 1962 qui ont vu l'accession à l'indépendance d'anciens départements français au prix de 30000 morts dont 53 jeunes officiers de ma promotion. Mon ex-pistolet ne parlera plus. Nous sommes trois à connaître son histoire. Le Diable, le Bon Dieu et moi. Les deux premiers ne diront rien, moi non plus. Confidentiel personnel.

J'aurais pu faire partie des victimes puisque c'était mon métier. Le sort ne l'a pas voulu . Les "naphtalinés de service "qui gèrent les dossiers dans la douce quiétude d'un bureau climatisé appartiennent sans doute à la même race que les "Des Bureaux" . On parle aujourd'hui de 15000 kalachnikovs en circulation. Alors les "naphtalinés" ????

 

3- Villa Pouillon: Appartenant à l'architecte du même nom , elle n'a pas eu d'histoire particulière durant mon temps de responsabilité. Par contre, l'architecte, réalisateur des célèbres constructions de Diar El Massoul et Diar el SAADA (orthographe à vérifier) a eu des démêlés avec la justice française. Mais il avait récupéré sa villa intacte, auprès de l'ambassade de France, bénéficiant si je me souviens bien d'une double nationalité. On le retrouvera plus tard, en ouest algérois, construisant une cité balnéaire près du tombeau de la chrétienne à Zeralda.

****

L'ensemble des locaux dont j'avais la garde a été remis à Monsieur l'Ambassadeur de France qui pour remercier mon unité , lui a fait parvenir un témoignage de satisfaction figurant dans les dossiers .

Préalablement j'avais assisté à l'entrée des vainqueurs dans Alger. Ils arrivaient par la "route moutonnière" située à l'est de la ville. La vue de la terrasse de la villa Sezini dominant Alger la Blanche était magnifique mais les coeurs étaient serrés et tristes.

 

La coupe était bue, jusqu'à la lie !! Une autre époque démarrait. Le bataillon irait à Boufarik, sans moi. Retour en France

 

Malheur aux vaincus car il n'y a qu'un seul vainqueur.

 

Je reverrai mon bataillon une fois encore, plus tard , pour assister à sa dissolution à Sarrebourg dans l'est de la France . Que d'embrassades !! Personne n'avait oublié; personne ne pourra oublier.

....

 

Derniers souvenirs

 

Alger se vide. Les frigidaires sont sur les trottoirs , à vendre pour quasiment rien puisqu'ils proviennent des appartemnts libérés par les européens. Les rues sont encombrées de voitures vides et abandonnées. On nous invite parfois à nous rendre à l'église de... Derrière le bénitier, une arme dissimulée par un partant . Les convois militaires sont invités par un geste dédaigneux à franchir les contrôles organisés par les vainqueurs . Les appelés du contingent se baignent au centre Lung ou à Sidi Ferruch et j'en passe...

 

Il n'y a pas eu de coups de feu tirés par respect du cessez le feu, mais,

que de coups de pied au ...plutôt pour la servitude du métier des armes que pour sa grandeur.

Dans ce périple j'ai rencontré un camarade de promotion qui a choisi une voie différente de la mienne. Il se reconnaîtra s'il lit ce texte . Je pense qu'il partagera mon point de vue tant pour ce qui concerne les harkis que pour les "Des Bureaux " qu'il a lui-même subi. Salut Jacques...

 

Trois saints-cyriens sont sortis de l'enfer ....Mes camarades connaissent la suite..

 

Conclusion

 

Citation paquetage pour "Des Bureaux" qui a obtenu sa croix de guerre et n'aura plus à loucher jalousement sur le coté gauche de la tenue de sortie de ses subordonnés, juste au dessus de la poche . Il a terminé sa carrière comme général, satisfait du devoir accompli après avoir agi selon sa conscience. Moi aussi, sauf que nous n'avions sans doute pas la même définition de ce mot . Il se trouve sans doute aujourd'hui, quelque part en Enfer où j'espère ne pas être affecté lors de ma prochaine mutation. Fasse le ciel que un nouveau 19 mars 1962 me soit évité dans la cohabitation de l'au-delà. Je voisinerai volontiers avec mes anciens harkis, à proximité des jardins de leur religion.

 

On pourrait poursuivre.

 

Et tout cela avec des soldats du contingent.

 

 

Alors 19 mars 1962, commémoration en présence des.....

 

Future journée nationale, non !! Je serai absent et fournirai si nécessaire un certificat médical car je serai consultant pour consultation motivée puisque j'ai conservé quelques traces du périple et même du 19 mars 1962, jour sans gloire de notre histoire qui ne mérite pas devenir une commération ni une référence.

 

Tout au plus, une petite croix sur l'éphéméride pour enseigner l'histoire avant le passage...sur l'autre rive.

 

 

 

******

 

 

 

1

Le 19 mars,

un faux anniversaire pour un faux armistice

 

 

1

a date de la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie, comme l’appellation ellemême

de cette « guerre », longtemps considérée seulement comme « les événements

d’Algérie », a aussi longtemps fait débat en France, jusqu’à la décision prise par le Président

de la République d’adopter la date du 5 décembre pour la journée nationale d’hommage

aux morts de la guerre d’Algérie et des opérations au Maroc et en Tunisie

 

2.

Le choix de cette date a été le fruit du travail d’une commission, présidée par le Professeur

FAVIER, de l’Institut et réunissant les douze associations les plus représentatives d’Anciens

Combattants de toutes les guerres pour proposer une date commune. Après discussion et un

vote démocratique, 10 associations (représentant 800 000 adhérents

 

3) ont opté pour le 5

décembre, date à laquelle avait été inauguré, en 2002, le Mémorial A.F.N. du Quai Branly.

Le 5 décembre 2002, en effet, toutes les associations et fédérations étaient présentes, dans

une même communion d’esprit, autour du seul souvenir de ceux qui avaient donné leur vie

au service de la Patrie au cours de cette période des combats d’A.F.N.

La volonté d’apaiser les débats se manifestait ainsi dans un jour qui rassemble, exempt de

toute considération politique, philosophique ou religieuse et respectant les sensibilités de

chacun. Il ne s’agissait ni de commémorer une date, ni de célébrer une victoire ou de

pleurer une défaite, mais tout simplement d’honorer ce jour là, sur l’ensemble du territoire

national la mémoire de ceux qui, indépendamment de leurs propres convictions, avaient

disparu dans ces combats et ces événements.

On peut certes contester le choix du 5 décembre, mais on ne peut refuser à cette date

l’avantage d’être neutre et uniquement tournée vers l’hommage aux morts.

Cependant, malgré la quasi unanimité recueillie autour de ce choix, une association

continue de militer pour que ce soit à la date du 19 mars que soit célébrée la mémoire des

morts en Algérie.

La date du 19 mars est celle du cessez-le-feu décidé, en 1962, lors des entretiens entre le

gouvernement français et des représentants du Front de Libération Nationale algérien, à

Evian.

C’est là que commence toute une série de malentendus…..

***

1

 

- Titre et éléments d’argumentation empruntés à un article de M. René MAYER, paru dans la revue de l’été

2009 de l’Association « Secours de France ».

2

 

- Par décret n° 203-925 du 26 septembre 2003 le Prési dent de la République a institué le 5 décembre journée

Nationale d’Hommage aux « Morts pour la France » pendant la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la

Tunisie. Cette date du 5 décembre a été confirmée par l’article 2 de la loi N° 2005-158 du 23 février 2005 portant

Reconnaissance de la Nation.

3

 

- Les deux autres associations représentaient environ 400 000 adhérents)

L

2

e premier malentendu tient au fait qu’

 

il n’y a jamais eu d’accords officiels signés entre la

France et un quelconque organisme représentant la rébellion algérienne :

1. ce que l’on appelle « les accords » d’Evian ne porte même pas ce nom dans le

document d’origine établi à Evian : les conclusions des entretiens qui se sont déroulés

à Evian portent le nom de « déclarations »

2. cette absence de référence à tout accord de type diplomatique ne confère à ces

déclarations aucune valeur juridique au plan international et laissait, d’emblée, la

porte ouverte à toutes les remises en cause, puisqu’il ne s’agissait que de déclarations

d’intentions.

3. ces « déclarations » ont d’ailleurs été immédiatement rejetées par les instances

dirigeantes de la rébellion, qui ont désavoué les représentants qu’elles avaient ellesmêmes

déléguées à Evian.

4. en l’absence de toute portée juridique, les conclusions des négociations d’Evian

n’ont jamais pu être utilisées par la France et ses ressortissants vis-à-vis de la juridiction

internationale pour faire respecter les clauses essentielles prévues (telles que, par

exemple, les droits de propriété des européens d’Algérie, la participation

d’européens aux affaires publiques, la parité de la mise en valeur du sous-sol

saharien, l’usage de la langue française, etc…)

La mise en oeuvre des « déclarations d’Evian » a donc été effectuée de manière strictement

unilatérale, par la France seule, sans partenaire.

Ce fut notamment le cas de ce que l’on a appelé le « cessez-le-feu ».

***

e second malentendu est en effet

 

la notion de « cessez-le-feu » décrété à partir du 19

mars 1962.

Dans une guerre « normale », cette décision, qui s’apparente à la notion d’armistice entre

deux belligérants, est appliquée sur le champ de bataille par les troupes en présence et

conduit à une interruption des combats et à la mise en oeuvre d’un certain nombre de

procédures, permettant notamment de préserver les populations. Cette situation débouche

ensuite soit sur la reprise des combats en cas de désaccord entre les diplomates négociant

la fin du conflit, soit sur un accord de paix entre les parties.

Dans le cas de l’Algérie, la situation était fort différente de cette procédure : la guerre n’en

était pas vraiment une et l’adversaire n’avait pas d’existence internationale légale. En outre,

compte tenu du caractère même de la « guerrilla », l’ennemi sur le terrain n’obéissait à

aucun commandement capable de faire appliquer un tel cessez-le-feu, d’autant plus qu’à

l’époque, les combats étaient devenus rares, en raison de la mise hors-de-combat,

précisément, de la plupart des rebelles, sur le territoire des départements d’Algérie.

Le cessez-le-feu ne fut donc mis en oeuvre que par le commandement français, qui l’imposa

à ses troupes, avec toute la rigueur d’une organisation militaire conventionnelle. L’armée

française reçut l’ordre de s’enfermer dans ses cantonnements et de n’intervenir qu’en cas

de légitime défense d’elle-même.

Le cessez-le-feu fut donc strictement unilatéral et les « combattants de la onzième heure du

F.L.N. » eurent alors les mains libres pour se livrer à une application particulière d’un cessez-lefeu,

non validé par les instances dirigeantes de la rébellion, réfugiées à Tripoli.

La date du 19 mars 1962 a donc été le signal d’une période particulièrement douloureuse de

la tragédie algérienne, puisqu’il y a eu, à partir de cette date et jusqu’à l’exode total des

Européens d’Algérie, plus de victimes, (d’origine européenne ou algérienne) que durant

toute la guerre. Assassinats et enlèvements, qui avaient été pratiquement éradiqués, ont

connu une virulence accentuée par la sauvagerie et le caractère irrationnel des actes

L

L

3

commis. Aujourd’hui encore, de nombreuses familles de pieds-noirs ne savent toujours pas ce

que sont devenus ceux des leurs qui ont été enlevés à ce moment-là et qui ont été estimés à

plus de 3000 personnes (contre 2788 tués et 875 disparus pour la période 1954-1962).

En ce qui concerne les harkis, qui avaient le statut légal de supplétifs de l’armée française,

on évalue le nombre de leurs morts, dans des conditions particulièrement atroces

(égorgements, ébouillantements, écorchages vivants, émasculations, etc….) à un chiffre

officiel compris entre 60 et 70 000 victimes, massacrées sous les yeux de l’armée française

dans les rangs de laquelle ils combattaient quelques semaines avant.

Sans parler des populations d’origine algérienne qui s’étaient engagées aux côtés de la

France et qui ont également été impitoyablement massacrées dans leurs douars, au fond

des montagnes, sans que l’on puisse avancer un chiffre qui ferait sans doute horreur.

Enfin, et ce n’est pas le moindre fait au regard de la démarche de mémoire que

recherchent aujourd’hui les Anciens Combattants de cette époque, la Direction de la

Mémoire, du Patrimoine et des Archives (DMPA) du ministère de la Défense a recensé

 

386

militaires français

 

ayant trouvé la mort après le 19 mars 1962 et pas seulement dans des

accidents en service.

***

e troisième malentendu est d’origine plus récente, car, dans l’imaginaire populaire

français, qui ne connaît pas vraiment l’histoire de cette période, on a facilement

 

tendance

à placer la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie au même niveau aue

l’armistice du 11 novembre 1918

 

(qui a été demandé par l’adversaire en raison de la victoire,

sur le terrain, des troupes alliées) ou que la Victoire du 8 mai 1945 (qui a été imposée par les

Alliés à l’Allemagne totalement vaincue).

Il est bien compréhensible, en effet, que les deux millions de jeunes Français qui ont été

envoyés défendre les couleurs de la France en Algérie veuillent aujourd’hui commémorer la

fin d’un événement qui a marqué leur jeunesse.

Mais, après avoir vécu une guerre qui n’a jamais voulu dire son nom, pourquoi faut-il qu’une

minorité d’entre eux, certes organisés en une fédération très active, qui occupe

puissamment l’espace politico-médiatique, mais qui demeure minoritaire, choisisse une date

célébrant un faux armistice ?

Pourquoi faut-il, après avoir inutilement sacrifié une partie de leur jeunesse, qu’ils sacrifient

aujourd’hui leur honneur en commémorant un faux anniversaire ?

*

**

***

a date du 5 décembre n’est sans doute pas très heureuse, mais elle a le mérite de se

vouloir apaisante, quelles que soient les opinions.

S’il n’existait qu’une seule raison pour refuser la date du 19 mars, elle ferait appel à la

mémoire de tous ceux qui sont tombés là bas avant le 19 mars et dont la mort n’a servi à rien.

Elle ferait surtout appel à la mémoire de tous ceux qui sont morts après le 19 mars, parce que

la France avait baissé les armes et les avait abandonnés à leurs tueurs.

Vouloir célébrer le 19 mars est

 

un déni d’honneur à l’égard des premiers et un déni de

mémoire

 

à l’égard des seconds.

Le 1

 

er novembre 2009

Henry-Jean FOURNIER

Officier général en 2

 

ème section

L

L

 

 

 

 

 

 

 

 

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